Les Sherpas : véritables héros derrière les ascensions de l’Everest

Les Sherpas : véritables héros derrière les ascensions de l'Everest

L’Everest, avec ses 8 848 mètres d’altitude, incarne l’un des plus grands défis pour les alpinistes du monde entier. Cependant, derrière chaque sommet conquis, se cachent des hommes et des femmes dont le rôle essentiel reste souvent dans l’ombre : les sherpas. Cette communauté d’origine tibétaine, installée dans la région himalayenne depuis des siècles, s’est imposée comme un acteur incontournable des expéditions de haute montagne, notamment sur l’Everest. Ces porteurs, guides et accompagnateurs sont les véritables architectes des ascensions réussies vers le « toit du monde ». Cet article plonge au cœur de leur histoire, de leur rôle et des défis auxquels ils font face dans cette industrie en pleine expansion.

Une histoire profondément enracinée dans l’Himalaya

Le terme « sherpa » n’est pas seulement synonyme de guide de montagne. Il désigne une ethnie tibétaine, installée au Népal, notamment dans la région de Khumbu, située au pied de l’Everest. Cette communauté vit dans l’Himalaya depuis des siècles et entretient une relation spirituelle forte avec les montagnes qui les entourent. Pour les sherpas, les sommets comme l’Everest, qu’ils appellent « Chomolungma » (ce qui signifie « déesse mère du monde »), sont bien plus que des montagnes à escalader. Ils sont sacrés, vénérés, et occupent une place importante dans leur culture bouddhiste.

L’histoire des sherpas dans le monde de l’alpinisme moderne commence véritablement en 1953, avec la première ascension réussie de l’Everest par Sir Edmund Hillary et Tenzing Norgay, un sherpa. Cette expédition marque un tournant dans la reconnaissance du rôle crucial des sherpas dans les ascensions de l’Himalaya. Depuis lors, ils ont accompagné des milliers d’alpinistes vers le sommet, guidant, portant le matériel, installant les cordes et assurant la sécurité des grimpeurs.

Sommet de l'Everest avec Outwild au Népal

Un rôle clé dans les expéditions

Les sherpas jouent plusieurs rôles cruciaux lors d’une expédition. Tout d’abord, ils agissent en tant que porteurs, transportant du matériel indispensable pour les camps de base et au-delà. Ce travail est éreintant, nécessitant des allers-retours constants entre les camps à des altitudes extrêmes. Bien que ce rôle soit essentiel, les porteurs sont souvent sous-payés, considérés comme le « prolétariat » des sherpas, comme le souligne François Carrel dans son ouvrage « Himalaya Business ».

Ensuite, viennent les « climbing sherpas », une élite parmi la communauté. Ces guides de haute montagne accompagnent les alpinistes jusqu’au sommet. Ils assurent l’installation des cordes fixes, la sécurisation des voies d’accès et parfois même la gestion des équipes lorsque la situation devient critique. Il ne s’agit pas seulement de suivre les grimpeurs, mais d’ouvrir la voie pour eux, souvent dans des conditions extrêmement dangereuses.

La préparation de l’ascension elle-même repose sur un travail méticuleux et chronophage, réparti sur plusieurs semaines. Installer des cordes à plus de 7 000 mètres d’altitude exige une endurance exceptionnelle, un savoir-faire précis et une profonde connaissance du terrain. Pourtant, la reconnaissance pour ce travail reste souvent limitée, en particulier dans les documentaires ou les récits d’expéditions, où l’accent est mis sur les exploits des grimpeurs occidentaux.

Des conditions périlleuses et un métier dangereux

Gravir l’Everest est un exploit, mais pour les sherpas, c’est aussi un risque quotidien. Chaque année, des accidents mortels se produisent. Depuis les débuts de l’alpinisme commercial, plus de 260 sherpas ont perdu la vie dans l’Himalaya. La cause ? Des avalanches, des chutes, et des conditions climatiques imprévisibles. L’une des tragédies les plus marquantes a eu lieu en 2014, lorsqu’une avalanche a tué 16 sherpas sur l’Everest. Cette catastrophe a mis en lumière les dangers auxquels ces hommes sont confrontés et a suscité des discussions sur leurs conditions de travail.

Le travail des sherpas est également rendu plus difficile par les maladies liées à l’altitude. Même habitués à ces conditions extrêmes, ils ne sont pas immunisés contre le mal aigu des montagnes ou les engelures. Le documentaire « Kaizen » du youtubeur Inoxtag met en avant un sherpa qui, malgré douze ascensions réussies, souffre de graves séquelles physiques. Perte de sensibilité dans les mains, doigts amputés, douleurs chroniques… Ces conséquences illustrent bien les sacrifices que ce travail exige.

Une rémunération importante mais inégale

Malgré les dangers, être sherpa peut rapporter gros, surtout pour ceux qui atteignent le sommet. En fonction de l’expérience et des pourboires des clients, un sherpa peut gagner entre 4 000 et 7 000 euros pour une seule saison d’ascension. Ce salaire est considérable dans un pays où le revenu moyen mensuel est de 110 euros. Cependant, cette rémunération varie considérablement en fonction des agences et du rôle occupé au sein de l’expédition. Les porteurs, par exemple, sont souvent beaucoup moins bien payés que les climbing sherpas.

Les pourboires des clients jouent un rôle déterminant dans les revenus des sherpas. Certains grimpeurs fortunés n’hésitent pas à laisser plusieurs milliers d’euros supplémentaires à leurs guides en guise de remerciement. Cela peut transformer une saison ordinaire en une opportunité économique considérable pour un sherpa et sa famille. Toutefois, cette dépendance aux pourboires souligne une certaine inégalité dans la distribution des richesses générées par le tourisme de haute altitude.

Les Sherpas, entrepreneurs modernes

Au fil des décennies, la communauté sherpa a su s’adapter à l’évolution du tourisme dans l’Himalaya. Si à l’origine, ils étaient surtout porteurs et accompagnateurs, certains sherpas sont désormais devenus de véritables entrepreneurs. Ils ont créé des agences d’expéditions, des hôtels, des restaurants et d’autres services destinés aux alpinistes et touristes. Aujourd’hui, ces sherpas entrepreneurs jouent un rôle prépondérant dans l’organisation des expéditions vers l’Everest.

Ce développement a permis à de nombreux sherpas de s’élever socialement, offrant à leurs familles des conditions de vie bien supérieures à la moyenne népalaise. Toutefois, cette modernisation a aussi entraîné des changements dans la communauté. Les jeunes générations, notamment, semblent avoir perdu une partie du lien spirituel qu’entretenaient leurs ancêtres avec les montagnes. Le tourisme de masse a en quelque sorte « désacralisé » l’Everest pour certaines familles sherpas.

Les défis de la surfréquentation et de la pollution

Le succès touristique de l’Everest a malheureusement des conséquences négatives pour l’environnement. Chaque année, des centaines d’alpinistes se pressent pour atteindre le sommet, laissant derrière eux des tonnes de déchets. Les camps de base et les voies d’ascension sont jonchés de bouteilles d’oxygène vides, de tentes abandonnées et même d’excréments humains. Cette pollution pose un véritable problème écologique pour les sherpas, qui voient leurs montagnes dégradées par le tourisme.

Certains sherpas, comme Tendi Sherpa, se battent pour la préservation de l’Everest. Ils demandent au gouvernement népalais de mettre en place des règles plus strictes pour encadrer le nombre d’alpinistes autorisés à gravir le sommet chaque année. De plus, des initiatives de nettoyage ont été organisées, avec des équipes de sherpas redescendant les déchets accumulés sur les pentes de l’Everest. Mais malgré ces efforts, la situation reste préoccupante, en particulier en raison de la croissance continue du tourisme de haute montagne.

Un avenir incertain pour les sherpas

Bien que les sherpas restent indispensables aux expéditions himalayennes, l’avenir de cette profession est incertain. La demande pour les ascensions de l’Everest ne cesse de croître, et certaines agences commencent à s’inquiéter d’une potentielle pénurie de sherpas qualifiés. En effet, de nombreux jeunes sherpas préfèrent aujourd’hui s’orienter vers d’autres métiers, moins risqués et tout aussi lucratifs, dans le secteur du tourisme.

La question de la durabilité de ce modèle économique se pose également. Si l’afflux massif d’alpinistes continue, les sherpas devront faire face à des conditions de travail de plus en plus difficiles, à des risques accrus et à des pressions pour satisfaire une clientèle toujours plus nombreuse. D’autre part, les défis écologiques liés à la préservation des montagnes pourraient contraindre les autorités népalaises à limiter le nombre de permis d’ascension délivrés chaque année, ce qui impacterait directement les revenus des sherpas.

Pour finir…

Pour finir, les sherpas ne sont pas seulement des accompagnateurs, mais bien les véritables piliers des expéditions en haute montagne. Leurs compétences, leur endurance et leur lien unique avec les sommets de l’Himalaya les rendent indispensables à toute ascension de l’Everest. Pourtant, leur rôle reste souvent sous-estimé, effacé derrière les exploits des alpinistes qu’ils assistent. Alors que le tourisme de haute altitude continue de se développer, il est crucial de reconnaître et de valoriser ces héros silencieux qui mettent leur vie en péril pour aider les autres à réaliser leurs rêves. Leur place dans l’histoire de l’Everest est indélébile, tout comme leur contribution à la pérennité du tourisme himalayen.

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