Les crevasses en haute montagne : dangers et techniques de sauvetage

Les crevasses en haute montagne : dangers et techniques de sauvetage

La haute montagne est un milieu fascinant, où la nature dévoile ses plus beaux paysages mais aussi ses dangers les plus imprévisibles. Parmi ces dangers, les crevasses figurent en haut de la liste. Ces failles naturelles, dissimulées sous la neige ou visibles à la surface des glaciers, sont redoutées par les alpinistes et randonneurs. Dans cet article, nous allons explorer en profondeur les crevasses, comprendre comment elles se forment, quelles sont les techniques d’encordement pour limiter les risques, et, surtout, comment effectuer un sauvetage en cas de chute. Un véritable guide pratique pour les amateurs de haute montagne, et un rappel précieux de la prudence nécessaire en altitude.

Comprendre les crevasses et leurs dangers

Les crevasses sont des fissures qui se forment dans les glaciers lorsque ceux-ci se déplacent et subissent des tensions. Généralement présentes aux ruptures de pente, elles peuvent être larges de quelques centimètres à plusieurs mètres, et leur profondeur varie considérablement. Certaines ne mesurent que quelques mètres de profondeur, tandis que d’autres plongent à plusieurs centaines de mètres, particulièrement dans les régions comme l’Alaska. Ce qui rend les crevasses si dangereuses, c’est leur invisibilité partielle : en hiver, elles sont recouvertes par un manteau neigeux qui masque leur présence. Cependant, c’est en été que le risque est le plus élevé, malgré la diminution de la neige, car les ponts de neige fragiles dissimulent des gouffres prêts à céder sous le poids d’un alpiniste imprudent.

En été, bien que les crevasses soient en grande partie visibles, certaines restent cachées sous une fine couche de neige. Cette couche peut sembler solide, mais elle est trompeuse. Un simple pas au mauvais endroit peut suffire à percer ce fragile pont de neige, précipitant l’alpiniste dans le vide. Ce phénomène est d’autant plus dangereux que la neige, sous l’effet de la chaleur estivale, évolue rapidement. Ce qui peut être un pont de neige solide lors de l’ascension tôt le matin peut se transformer en piège insidieux lors de la descente quelques heures plus tard.

Marcher sur un glacier

L’encordement est la première ligne de défense contre une chute dans une crevasse. Il consiste à relier les membres d’une cordée (deux ou trois personnes généralement) par une corde afin qu’en cas de chute de l’un des membres, les autres puissent le retenir. Sur glacier, la chute dans une crevasse peut être abrupte, mais si la cordée est bien encordée et attentive, la chute sera rapidement stoppée, limitant les risques de blessures graves.

Lors de la progression sur un glacier, il est impératif de maintenir une distance régulière entre chaque membre de la cordée, généralement entre 10 et 15 mètres, afin de répartir le poids et minimiser les chances que toute la cordée soit entraînée en cas de chute. Chaque membre doit être équipé d’un piolet et de crampons pour assurer sa stabilité sur la glace. Un autre point crucial est l’installation d’un système d’auto-assurage, comme un nœud autobloquant relié au baudrier. Cela permet, en cas de chute, de stopper automatiquement la chute et de faciliter les manœuvres de sauvetage.

La chute dans une crevasse : que faire ?

Si, malgré toutes les précautions, un alpiniste chute dans une crevasse, la réaction rapide et coordonnée des membres de la cordée est essentielle. La profondeur de la crevasse déterminera la gravité de la chute. Heureusement, la plupart des crevasses dans les Alpes ou les Pyrénées ne dépassent pas quelques dizaines de mètres, mais leur profondeur peut parfois surprendre.

La première étape après une chute est de vérifier l’état de la personne tombée. Est-elle consciente ? Peut-elle bouger ? Si l’alpiniste est conscient et indemne, il peut tenter de remonter par ses propres moyens. Pour cela, il doit utiliser son piolet pour se stabiliser, et ses crampons pour gagner en prise sur les parois glacées. Si la chute n’est pas trop profonde, il est parfois possible d’utiliser une échelle de corde ou de grimper le long de la corde fixe.

Sauvetage et mouflage : la technique clé

Lorsque la personne ne peut pas remonter seule, il est nécessaire d’utiliser une technique de sauvetage appelée mouflage. Ce terme technique désigne un système de renvoi de cordes qui permet de démultiplier la force nécessaire pour remonter la personne tombée, un peu comme un palan utilisé pour lever des charges lourdes. Remonter un alpiniste, équipé de tout son matériel, peut s’avérer extrêmement difficile, c’est pourquoi il est indispensable d’utiliser un système de mouflage pour faciliter l’opération.

Le principe du mouflage est simple : il s’agit de créer un système de poulies à l’aide de cordes pour réduire l’effort nécessaire pour tirer la personne. Pour réaliser un mouflage efficace, il faut avoir avec soi le matériel adéquat : des mousquetons, des poulies, un système autobloquant (comme un nœud Prusik ou un bloqueur mécanique), et bien sûr, une corde en bon état. Ce matériel doit toujours être emporté lors de toute sortie sur glacier, car on ne sait jamais quand il pourra être nécessaire.

Les étapes du mouflage

La première étape pour réaliser un mouflage consiste à sécuriser l’ancrage principal. Celui-ci doit être très solide, car c’est sur lui que repose toute la tension exercée pour tirer la personne en bas. Plusieurs solutions sont possibles : planter le manche d’un piolet profondément dans la glace, créer un corps mort avec un sac à dos enterré dans la neige, ou utiliser une broche à glace. Une fois l’ancrage en place, la corde est attachée à celui-ci, et un système de poulies est installé pour réduire la force nécessaire au tirage.

Un point crucial à surveiller lors du mouflage est la lèvre de la crevasse. Celle-ci, souvent composée de glace tranchante, peut endommager la corde. Même si, au début de l’opération, la corde repose sur la neige, celle-ci fond et cède sous la tension, laissant la corde en contact direct avec la glace. Il est donc essentiel de protéger la corde en plaçant le manche d’un piolet ou un autre objet sous la corde pour éviter qu’elle ne soit coupée par la glace.

Préparation et prévention

Il ne suffit pas d’apprendre à réaliser un mouflage en théorie : il est impératif de s’exercer à la maison ou lors de sorties d’entraînement. La mise en place d’un mouflage peut s’avérer complexe, surtout dans des moments de stress intense, où chaque seconde compte. S’exercer avec un partenaire avant une expédition permet de maîtriser les techniques de sauvetage et de les appliquer avec confiance en situation réelle.

De plus, l’équipement doit toujours être en parfait état. Une corde usée ou des mousquetons en mauvais état peuvent mettre en péril toute l’opération. Il est également recommandé de prévoir une longueur de corde supplémentaire lors de l’encordement pour faciliter le sauvetage, ainsi que des cordelettes supplémentaires pour réaliser les nœuds autobloquants nécessaires au mouflage.

Pour finir…

Les crevasses sont un danger omniprésent en haute montagne, mais avec une bonne préparation, des techniques d’encordement solides et la maîtrise du sauvetage par mouflage, il est possible de minimiser les risques. Chaque sortie en montagne doit être soigneusement préparée, tant au niveau de l’itinéraire que de l’équipement. L’expérience, la prudence et la vigilance de chaque membre de la cordée sont essentielles pour garantir une aventure en toute sécurité. Les montagnes continueront toujours à nous fasciner et à nous attirer, mais elles exigent de nous une attention constante et un respect des règles de sécurité qui ne doivent jamais être négligées.

La prochaine fois que vous vous aventurerez sur un glacier, souvenez-vous que chaque pas doit être calculé, et que derrière chaque pont de neige peut se cacher une crevasse. Mais armé des bonnes techniques et d’une solide préparation, vous serez en mesure de profiter pleinement de l’aventure tout en sachant réagir face aux imprévus.

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