Jeanne Baré : Première femme à faire le tour du monde en secret

Jeanne Baré : Première femme à faire le tour du monde en secret

L’histoire de Jeanne Baré, la première femme à avoir fait le tour du monde, est à la fois méconnue et fascinante. Elle a accompli cet exploit dans des circonstances incroyables, en cachant son identité dans un monde où les femmes étaient largement exclues des voyages d’exploration. Déguisée en homme, elle a réussi à intégrer une expédition qui allait devenir l’une des plus importantes de l’histoire des grandes découvertes géographiques. Ce voyage épique, réalisé au XVIIIe siècle, nous rappelle à quel point les exploratrices et les femmes aventurières ont dû faire preuve d’une incroyable ténacité pour suivre leurs rêves.

Le contexte historique

Au XVIIIe siècle, les expéditions maritimes étaient des entreprises exclusivement masculines. Les femmes n’avaient tout simplement pas leur place à bord des navires, en raison de préjugés profondément ancrés qui les considéraient comme inadaptées aux durs travaux de la mer. Les bateaux étaient des lieux imprégnés d’une culture virile où l’idée d’une femme à bord était perçue comme une menace, tant pour l’ordre établi que pour la sécurité. L’exploration, en tant qu’aventure risquée et incertaine, était perçue comme une affaire d’hommes. Pourtant, c’est dans ce contexte que Jeanne Baré, née dans une petite région rurale de Bourgogne en 1740, s’apprêtait à marquer l’histoire.

Jeanne est née dans une société profondément patriarcale, où les rôles étaient strictement définis. Pourtant, dès son plus jeune âge, elle se distingue par une vive curiosité pour le monde naturel et un désir de découvrir ce qui se trouve au-delà des frontières de sa petite communauté. À cette époque, les grandes expéditions de découverte étaient en plein essor, sous l’impulsion de royaumes européens tels que la France, l’Espagne et l’Angleterre, cherchant à cartographier de nouveaux territoires et à établir des colonies. Ces expéditions étaient menées par des scientifiques, des marins et des aventuriers en quête de richesses et de savoirs. C’est dans cette atmosphère effervescente que Jeanne Baré, contre toute attente, s’est taillé une place dans l’histoire.

Une rencontre décisive avec Philippe Commerson

Le destin de Jeanne Baré a pris un tournant décisif lorsqu’elle a rencontré le botaniste français Philippe Commerson. À cette époque, elle travaillait comme gouvernante et avait probablement acquis de solides connaissances en médecine et en botanique à travers son expérience. Philippe Commerson, quant à lui, était un naturaliste renommé, spécialisé dans l’étude des plantes exotiques. Lorsque leurs chemins se croisent, une relation professionnelle puis amoureuse se développe entre eux.

Commerson, qui était sur le point de participer à l’une des grandes expéditions maritimes de l’époque, la première circumnavigation française menée par l’explorateur Louis Antoine de Bougainville, souhaitait emmener Jeanne avec lui. Cependant, il était impossible pour une femme de prendre part à une telle aventure. C’est alors que Jeanne a pris la décision audacieuse de se déguiser en homme, sous le nom de Jean Baret, et d’accompagner Commerson comme son assistant personnel. Ce choix montre non seulement son courage, mais aussi l’énorme confiance que Commerson avait en ses compétences en botanique et en sa capacité à tenir tête aux rigueurs du voyage.

Le déguisement et les premiers mois en mer

Le déguisement de Jeanne Baré en homme a nécessité une préparation minutieuse. Il ne s’agissait pas simplement de porter des vêtements masculins, mais aussi d’adopter les manières et les habitudes d’un homme pour ne pas éveiller les soupçons de l’équipage. Au moment de l’embarquement en 1766, à bord de « L’Étoile », un des navires de l’expédition de Bougainville, Jeanne a réussi à dissimuler son identité avec succès.

Les premiers mois en mer furent éprouvants. Les conditions de vie à bord des navires d’exploration étaient rudes : les espaces étaient exigus, l’hygiène déplorable, et la nourriture souvent en quantité insuffisante. En tant qu’assistant de Commerson, Jeanne était constamment sous pression pour maintenir son déguisement tout en remplissant ses fonctions de botaniste. Sa tâche principale consistait à aider Commerson à collecter, classer et conserver les plantes exotiques découvertes au cours du voyage. Leur travail était crucial, car la France cherchait à enrichir ses connaissances botaniques pour des raisons scientifiques et économiques.

La découverte de la réalité

Malgré ses efforts pour se fondre dans le rôle masculin, la véritable identité de Jeanne a fini par être découverte après plusieurs mois en mer, lors d’une escale à Tahiti. Les indigènes tahitiens, n’étant pas dupes, l’ont immédiatement reconnue comme une femme, ce qui a suscité la curiosité puis les interrogations de l’équipage. Bougainville et le reste des officiers furent stupéfaits d’apprendre qu’une femme se cachait parmi eux depuis le début du voyage. Cependant, Jeanne Baré n’a pas été renvoyée du navire. Il semblerait que son travail assidu et sa loyauté envers Commerson aient joué en sa faveur. Elle a ainsi pu continuer l’expédition.

Pour Jeanne Baré, cette révélation n’a pas marqué la fin de son aventure. Malgré la levée de son secret, elle a poursuivi son voyage avec le même engagement, en continuant à assister Commerson dans ses travaux de botanique. D’ailleurs, ils ont découvert de nombreuses plantes pendant l’expédition, dont certaines étaient totalement inconnues à l’époque. L’une des plus célèbres est la bougainvillée, une plante grimpante tropicale nommée en l’honneur de Bougainville, bien que Commerson ait probablement été influencé par l’apport essentiel de Jeanne dans cette découverte.

L’île maurice : un long exil

Après avoir fait escale dans de nombreuses îles de l’océan Pacifique et de l’océan Indien, dont Madagascar, l’expédition s’est arrêtée à l’île de France (aujourd’hui île Maurice), où Commerson, malade, décida de rester. Jeanne Baré s’est donc installée avec lui sur cette île, où ils continuèrent leurs recherches botaniques. Ce séjour à l’île Maurice a duré plusieurs années, au cours desquelles Commerson et Jeanne ont collecté une immense quantité de spécimens. Cependant, Commerson mourut en 1773, laissant Jeanne seule et démunie sur l’île.

Après la mort de Commerson, Jeanne a dû se débrouiller pour survivre. Elle a ouvert une petite taverne pour subvenir à ses besoins tout en continuant à rêver de revenir en France. Ce n’est qu’en 1775, presque dix ans après avoir quitté son pays, qu’elle put finalement entreprendre le voyage de retour.

Le retour en France et la reconnaissance tardive

De retour en France en 1776, Jeanne Baré est devenue la première femme à avoir officiellement fait le tour du monde. Cependant, à son arrivée, elle n’a pas été accueillie en héroïne. À une époque où les exploits féminins étaient rarement reconnus, son aventure fut largement éclipsée par celle des hommes de l’expédition. Elle a dû attendre plusieurs années avant que son rôle dans l’expédition ne soit reconnu par la Cour royale française. En 1785, le roi Louis XVI lui a finalement accordé une pension annuelle en reconnaissance de ses services.

L’histoire de Jeanne Baré est une histoire de résilience, de passion pour la découverte, et de défi face aux conventions sociales. Bien qu’elle ait dû cacher son identité et affronter d’innombrables obstacles, elle a réussi à accomplir ce qui semblait impossible pour une femme de son époque : participer à une expédition scientifique d’envergure mondiale.

L’héritage de Jeanne Baré

Jeanne Baré n’a pas seulement laissé sa marque en tant que pionnière de l’exploration maritime. Son parcours a ouvert la voie à d’autres femmes exploratrices et scientifiques, même si beaucoup de temps a été nécessaire pour que leur rôle soit pleinement reconnu. Elle a prouvé que la curiosité, le savoir et la passion n’ont pas de genre. De nos jours, des chercheurs et des aventuriers continuent de découvrir et de redécouvrir l’histoire de cette femme hors du commun, qui a bravé les normes de son époque pour suivre son désir de découverte.

Son histoire inspire aujourd’hui encore de nombreuses personnes, en particulier les femmes qui veulent se lancer dans des carrières ou des passions traditionnellement dominées par les hommes. Jeanne Baré nous rappelle que les limites imposées par la société ne doivent jamais freiner l’envie d’explorer et de découvrir le monde, quelle que soit notre condition.

En tant que première femme à avoir réalisé le tour du monde, Jeanne Baré est une figure emblématique, une pionnière dont l’héritage mérite d’être célébré. Ses contributions à la science et à l’exploration sont un témoignage de sa détermination et de son courage face aux défis les plus difficiles de son époque.

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