- 21/11/2024
- By: OutWild
- in: Alpinisme
Mathis Dumas, photographe et alpiniste reconnu, revient sur les coulisses de l’expédition Everest d’Inoxtag, une aventure à la fois exaltante et complexe. Dans cette expédition destinée à réaliser Kaizen, un documentaire immersif et sincère, l’équipe a découvert bien plus que des panoramas saisissants : elle a rencontré les défis réels de l’alpinisme extrême, les enjeux écologiques liés à la gestion des déchets en haute altitude, et surtout les réalités profondes de la collaboration avec les Sherpas. Mathis Dumas, avec sa perspective unique, partage les dilemmes auxquels ils ont été confrontés, offrant un regard authentique sur ce qui se cache derrière les exploits, loin de l’image héroïque et idyllique que les spectateurs imaginent souvent.
Dans cet article, nous explorerons les propos de Mathis Dumas sur la place des Sherpas au Népal. Plus que de simples accompagnateurs, ils sont de véritables piliers pour les alpinistes du monde entier. Nous aborderons l’histoire et la culture des Sherpas, le rôle qu’ils jouent dans les expéditions, ainsi que la vision de Dumas sur la reconnaissance et les défis auxquels ils font face.
Qui sont les Sherpas ?
Les Sherpas sont un groupe ethnique originaire des hautes régions himalayennes du Népal, en particulier de la région de Solu-Khumbu. Leur nom signifie littéralement « peuple de l’Est », en référence à leur migration depuis le Tibet il y a plusieurs siècles. Au fil du temps, les Sherpas ont développé une culture unique, intimement liée aux montagnes et au bouddhisme tibétain. Ils vivent principalement de l’agriculture et du commerce, mais avec l’essor du tourisme et de l’alpinisme dans les années 1950, leur rôle a progressivement évolué pour devenir essentiel dans l’accompagnement des expéditions en haute montagne.
L’ascension de l’Everest, qui culmine à 8 848 mètres, représente un défi immense pour quiconque s’y aventure, mais les Sherpas y apportent une expertise et une endurance hors du commun. En raison de leur adaptation génétique, ils sont naturellement plus résistants aux effets de l’altitude, leur corps produisant davantage de globules rouges pour compenser le manque d’oxygène. Grâce à cette prédisposition, les Sherpas sont devenus des partenaires incontournables des expéditions internationales, prenant en charge les tâches les plus exigeantes et périlleuses, depuis le transport des équipements jusqu’à la sécurisation des passages dangereux.
Le rôle des Sherpas dans les expéditions de haute montagne
Mathis Dumas insiste sur un point central : sans les Sherpas, l’Everest serait bien moins accessible aux alpinistes étrangers. En effet, les Sherpas ne se contentent pas d’accompagner les expéditions ; ils assurent des fonctions cruciales qui sont souvent invisibles pour le grand public. Dès les débuts de la saison d’ascension, ils montent les camps de base, installent des cordes fixes et sécurisent des passages particulièrement risqués comme la cascade de glace de Khumbu. Leur expertise en matière de terrain et leur connaissance approfondie de la montagne font d’eux des alliés précieux pour guider les expéditions vers le sommet en minimisant les risques.
Cependant, ce rôle est loin d’être sans danger. Les Sherpas sont confrontés aux mêmes défis que les alpinistes, et parfois davantage en raison de la répétition de leurs montées et descentes pour préparer et entretenir les chemins d’accès. Dumas souligne que, malgré leur rôle crucial, les Sherpas reçoivent souvent une reconnaissance limitée de la part des médias et du public. Ils sont nombreux à risquer leur vie année après année, pour des salaires souvent bien inférieurs à ceux des alpinistes occidentaux. De plus, ils ne bénéficient pas toujours d’une couverture d’assurance ou d’un soutien adéquat en cas d’accidents, ce qui met en lumière des inégalités que Dumas souhaite voir corrigées.
Une culture de résilience et de partage
Au-delà de leur rôle dans les expéditions, Mathis Dumas admire la culture de résilience et de partage des Sherpas. Leur mode de vie, leur humilité et leur foi profonde en font des partenaires de voyage uniques pour tout alpiniste. Ils sont profondément respectés dans la région pour leur capacité à relever des défis avec sérénité et leur dévouement pour les expéditions auxquelles ils participent. Dans son travail, Dumas capture des moments intimes de leur quotidien, montrant les Sherpas sous un jour authentique, loin des clichés de simples « porteurs de haute altitude ».
Les Sherpas adoptent un mode de vie communautaire qui repose sur le partage des ressources et le respect des traditions. Le bouddhisme est au cœur de leur culture, et de nombreux Sherpas prient avant chaque expédition pour demander la protection des esprits de la montagne. Cette foi profonde leur donne une perspective unique sur les ascensions et les épreuves, les amenant à voir la montagne comme un lieu sacré plutôt qu’un simple défi sportif.
L’importance de la reconnaissance des sherpas
Pour Mathis Dumas, la reconnaissance du rôle des Sherpas dépasse le simple hommage ; il s’agit d’un impératif moral. La plupart des alpinistes célèbres ont atteint le sommet de l’Everest grâce à l’assistance des Sherpas, mais peu d’entre eux ont véritablement contribué à améliorer leurs conditions de travail. Dumas plaide pour un changement de mentalité : il estime que les agences d’expéditions et les gouvernements devraient prendre des mesures pour mieux rémunérer et protéger ces travailleurs essentiels. Il met en avant l’idée de créer des programmes d’assurance dédiés, ainsi qu’une formation continue pour que les Sherpas puissent accéder à des postes à responsabilité et prendre en main leurs propres expéditions.
Cette reconnaissance passe également par une meilleure visibilité de leur contribution dans les médias. Souvent, lorsque des alpinistes atteignent le sommet de l’Everest, les Sherpas qui les accompagnent restent dans l’ombre, leurs noms rarement mentionnés dans les récits d’exploits. Dumas s’efforce, par son travail, de corriger cette injustice en mettant en lumière leur savoir-faire et leur dévouement. Pour lui, les Sherpas sont bien plus que des « assistants » ; ils sont les véritables gardiens de l’Everest.
Les défis futurs pour les Sherpas et l’alpinisme au Népal
À l’heure actuelle, l’alpinisme au Népal connaît une période de transition, et les Sherpas sont en première ligne de ces changements. Le réchauffement climatique et la fonte des glaciers rendent l’ascension de l’Everest et des autres sommets plus dangereuse. Les conditions météorologiques deviennent de plus en plus imprévisibles, augmentant le risque d’avalanches et de chutes de blocs de glace. De plus, la popularité croissante de l’Everest entraîne une surcharge de la montagne, avec des dizaines d’expéditions qui tentent le sommet en même temps, créant des embouteillages et des conditions dangereuses pour tous les grimpeurs, Sherpas compris.
Mathis Dumas évoque également le besoin d’une régulation plus stricte des permis d’ascension. Pour lui, limiter le nombre d’alpinistes autorisés à gravir l’Everest chaque année pourrait contribuer à préserver la sécurité des Sherpas et à réduire l’impact environnemental sur la montagne. Il plaide pour un alpinisme plus responsable, où le respect de l’environnement et des populations locales passe avant la performance individuelle.
En conclusion, Mathis Dumas voit les Sherpas comme des figures essentielles et héroïques, sans lesquelles l’histoire de l’alpinisme serait bien différente. Il invite les alpinistes et le public à prendre conscience de leur contribution et à les soutenir dans leur quête de reconnaissance et de sécurité. Pour lui, l’avenir de l’alpinisme au Népal dépend d’une réévaluation profonde du rôle des Sherpas et d’un engagement collectif pour valoriser leur patrimoine culturel et leur expertise.